Signé Stéphane – L’arbitrage a changé

Il n’y a pas si longtemps, les matches de National League étaient encore arbitrés au système à trois. Une réalité inconcevable aujourd’hui tellement l’arbitrage à quatre a amélioré les choses. Et contrairement à ces années où un seul homme dirigeait les débats, les zèbres sont devenus presque anonymes de nos jours. La pression extérieure qu’ils subissent n’a rien à voir avec celle de l’époque. 

La perception de l’arbitrage a beaucoup évolué. Les articles de presse traitant des gilets rayés avec des titres accrocheurs ne font plus recette. Les réseaux sociaux ne pullulent plus de propos injurieux sur les hommes de loi des patinoires. Certains journalistes moyennement inspirés regrettent cette époque pas si lointaine où ils pouvaient écrire trois paragraphes sur l’arbitre afin de cacher leur méconnaissance du hockey. Des médias peu scrupuleux allaient même jusqu’à noter les performances arbitrales. Une pratique débordante de prétention. 

Signé Stéphane – L’arbitrage a changé

La réalité d’aujourd’hui est tout autre, heureusement. Fini les années où les arbitres étaient de véritables têtes d’affiches qui faisaient partie du show. Car le système actuel, en plus de répartir la pression sur les épaules de deux êtres humains, a permis de lisser les performances et d’uniformiser les standards d’appréciation. Impossible de porter un jugement clair sur le style d’un arbitre en particulier. Ou de lui coller une étiquette précise. Je dirais même que les fans ne connaissent plus vraiment le nom des arbitres.

Le passage au système à quatre a forcément propulsé plusieurs nouveaux arbitres vers le haut. Une tâche compliquée puisque le team d’arbitres, à l’instar d’une équipe de hockey, ne compte pas que sur des joueurs de premier plan. Reto Bertolotti, ex-chef des arbitres, disait avec justesse : « je suis comme tous les coaches, je n’ai pas quatre lignes du même niveau à disposition ». Et comme tous les entraîneurs, le chef a aussi ses préférés. Ce qui n’est pas sans créer des tensions internes. Et je vous promets que gérer des arbitres n’est pas une mince affaire. Ils ont du caractère les garçons.

L’ère de Kurmann et Reiber

Signé Stéphane – L’arbitrage a changé

Il y une décennie, tous savaient que Dany Kurmann était un « show man » qui arbitrait selon ses propres critères. Il était une véritable star outre-Sarine grâce à sa carrière internationale et il jouissait de la protection de médias influents. Mais, à l’interne, Dany énervait plusieurs coaches par sa façon aléatoire et personnelle d’appliquer les règles. Disons simplement que le « sunny boy » de l’arbitrage était beaucoup plus permissif que ses collègues. Statistiques à l’appui, il laissait plus jouer et faisait souvent fi des recommandations de sa hiérarchie. Ironiquement, il est devenu aujourd’hui le chef des arbitres de l’IIHF. 

À l’opposé, Bent Reiber appliquait rigoureusement les règles et l’uniformisation des standards lui tenait à cœur. Trop peut-être. Lors de nos traditionnelles séances entre arbitres professionnels, les sujets de discorde étaient nombreux. La philosophie de Reiber contrastait complètement avec celle de Kurmann. Ce qui se ressentait forcément sur la glace avec le système à trois. Lorsque les joueurs étaient sifflés de façon laxiste par Dany le vendredi et rigoureusement par Brent le samedi, ils ne savaient plus à quel saint se vouer. Ils cherchaient sans cesse les limites de l’acceptable, ce qui créait de la confusion. 

Signé Stéphane – L’arbitrage a changé

En laissant passer les fautes d’anti-jeu qui échappent souvent à l’œil des fans, un arbitre laxiste se dérobe à ses responsabilités. Il passe pour un gars cool qui a la réputation de « siffler dans le sens du jeu ». Mais ne pas signaler une faute donne un avantage à celui qui utilise un moyen illégal. Ce qui constitue une erreur au même titre que la faute sifflée à tort. Sauf qu’elle attire moins l’attention. Il n’en demeure pas moins qu’une application discrétionnaire des règles nuit à l’ensemble du corps arbitral. Comme si un joueur décidait de ne pas appliquer le système de jeu de son coach au détriment de son équipe. 

La réaction des entraîneurs

Les coaches, toujours à l’affût du moindre détail, préparaient aussi leurs matches en conséquence. Bob Hartley prenait le soin de mentionner à ses joueurs le nom du zèbre avec ses tendances. Cela faisait partie de son plan de match. Il leur expliquait par exemple que Reiber ne laissait rien passer en terme d’obstruction. À l’opposé, comme Kurmann était moins rigoureux, il préparait des tactiques à la limite du règlement. Il savait que Dany ne sévirait pas. Larry Huras me confiait aussi adapter ses tactiques lorsque ce dernier débarquait. « On reçoit des directives et il décide sciemment de ne pas les appliquer, ça me rend fou, mais on doit s’adapter à lui », disait le très coloré Larry. 

Les playoffs exacerbaient encore plus les différences entre arbitres. Car s’il était possible de s’en sortir en laissant jouer lors du championnat régulier, cela devenait un exercice périlleux lors des séries de fin de saison. Les émotions étaient alors à leur comble et le moindre souffle sur les braises se transformait en feu de forêt. Je ne compte plus les fois où les arbitres « cool » du championnat ont dû être remplacés par des arbitres plus rigoureux qui savaient garder le contrôle des matches difficiles. Vous savez, le genre de situation où vous devez ramasser la merde des autres.

Une époque révolue

Signé Stéphane – L’arbitrage a changé

L’arbitrage à trois était un exercice difficile et exigeant physiquement. Les angles de vue sur l’action étaient loin d’être optimaux. La pression sur les épaules de l’arbitre principal était immense. Il fallait un mélange de caractère bien trempé et de confiance en soi. Mais surtout une bonne dose de feeling pour le jeu. Car au même titre que les joueurs, c’est le « hockey sense » qui faisait toute la différence. Les joueurs et les coaches décèlent facilement ce genre de détail chez un arbitre. S’ils constatent que vous ne le possédez pas, ils sont impitoyables. En réaction, ces arbitres ressentaient souvent le besoin d’être plus caporalistes. Un réflexe d’auto-défense pour camoufler leurs lacunes. 

Le système à deux arbitres principaux a complètement annihilé ces travers de l’époque. Le poids du monde entier ne porte plus sur un seul homme. Un des arbitres peut avoir un mauvais soir sans que personne ne le remarque. Le collègue est là pour lui sauver les fesses. L’arbitre avec un feeling moyen sera plus difficile à remarquer aussi. Il pourra s’appuyer sur son partenaire pour le « game management » dans les moments clés. Conséquemment, les matches qui tournent à la catastrophe sont désormais rarissimes. Et les fans doivent trouver un autre exutoire à leur colère et leur frustration. On ne peut pas gagner sur tous les tableaux.

Bonne semaine à tous
Stéphane