Signé Stéphane - Crise de la quarantaine

Dans ce contexte incertain, la réaction des clubs de hockey fut étonnamment très rapide. Alors qu’on aurait pu attendre le début de cette semaine de pause pour prendre une décision quant à la suite du championnat, les annonces sont tombées jeudi matin déjà. On continue à huis clos jusqu’au 1er décembre. Un scénario au préalable impossible à considérer tellement les pertes seraient gigantesques. « Cela ne fait aucun sens de jouer sans public », clamaient nos grands pontes du hockey il n’y a pas si longtemps. « Inimaginable », pestiféraient d’autres.  

Et bien non. Cette volte-face instantanée pourrait avoir un certain sens finalement. Elle serait peut-être une suite logique de la déclaration de guerre publiée lundi dernier sous forme de lettre ouverte. Comme une stratégie orchestrée d’avance, quoique très culottée. Celle qui consiste à appuyer sur les bons boutons pour conscientiser les dirigeants politiques sur l’importance du sport-spectacle dans notre culture. De leur faire porter toute la responsabilité d’éventuelles faillites de clubs avec lesquels le peuple entretient un lien émotionnel.  

Il s’agit aussi d’une forme de chantage à peine voilée. Pour se faire garantir une aide substantielle, à fonds perdu cette fois, pour assurer la survie du hockey. Tout ça derrière le rideau qui cache la grande scène où seul le sport professionnel aura le droit d’évoluer. Mais en présence de seulement de 50 personnes, question de remplir quelques loges avec des sponsors importants. Un nombre suffisant aussi pour permettre l’accès aux staffs, aux journalistes et aux équipes de production de MySports. Car c’est bien à travers la télévision que les fans pourront suivre leur sport favori. « The show must go on ».

Mais voilà qu’on nage actuellement en pleine « crise de la quarantaine ». Les annonces de cas de Covid fusent tous azimuts, forçant de nombreux reports de matches, pour le pire ou le meilleur. Un jeu de mot intéressant relatif à cette période de notre vie qui exacerbe notre impuissance face au temps qui passe. Qui reflète la prise de conscience de notre propre vulnérabilité. Un moment délicat où différents sentiments nous envahissent, dont celui de la remise en question en profondeur. Ce qui n’est pas sans rappeler l’expression « les mots pour le dire ».

Si ce rapprochement conceptuel entre deux homonymes est plutôt comique, il n’empêche que le hockey helvétique vit une période charnière. Il traverse une crise existentielle sans précédent amplifiée par ces temps difficiles. L’octroi d’aides gouvernementales obligera vraisemblablement les clubs à une transparence qu’ils ne souhaitent pas forcément dans l’optique de la fixation d’un plafond salarial. L’augmentation quasi certaine du nombre d’étrangers pimente aussi les débats. Après la construction de nouvelles patinoires, le passage au sport business dans sa globalité et dans l’intérêt de tous ses membres ne se fera pas sans heurts. Admettre qu’il faille partager la tarte et se résigner à donner la chance à tous d’être champion un jour est encore un vœu pieux malheureusement.

Le sport, l’opium du peuple

En ces jours d’Halloween, il fallait absolument distribuer des bonbons au bon peuple. Enterrer notre hockey lors de la fête des morts aurait été morbide en pleine crise du satané coronavirus. Car cela va bien au-delà du simple jeu qui consiste à mettre deux équipes sur une glace. Les victoires galvanisent les partisans et entraînent la satisfaction populaire. Les défaites provoquent la déception, voire une crise si la tendance négative traîne en longueur. On se retrouve ainsi dans l’univers des émotions, celui qu’on recherche à travers les compétitions sportives.

Dans ce domaine, les psychologues parlent du sport comme un remède, un antidote, une solution immédiate à nos maux sociaux. Le spectacle sportif endormirait la conscience critique, l’occuperait, la détournerait en la faisant rêver. Il apporterait un bonheur certes éphémère, mais qui est toujours bon à prendre. On parle même de l’effet narcotique du sport très bien résumé par l’expression « le sport, opium du peuple ». Des théories qui nous rappellent le besoin d’occuper notre cerveau à autre chose. Ce qui n’a jamais été aussi vrai qu’en 2020.

Rien de mieux qu’un derby pour nous requinquer et nous faire oublier la morosité ambiante. Puis regarder un match sur la canapé, sans masque, en jogging, c’est assez confortable. Avoir tous les ralentis est plutôt sympa. Être en désaccord (ou pas) avec le commentateur ou avec les analyses en studio interpellent. Pouvoir suivre l’ensemble de la soirée de hockey sans rien rater est un avantage.

Au final, il est essentiel de considérer que tout ne se mesure pas en terme de revenus et de dépenses. Les retombées sociales des événements sportifs sont immenses quoique difficilement quantifiables. Pensons simplement aux jeunes qui rêvent de faire une carrière dans le sport. Ils s’entraînent et doivent faire preuve d’une grande volonté. Ils n’errent pas dans les rues. Ils sont encadrés par des clubs qui gardent souvent un œil sur l’aspect scolaire. Travail, discipline, abnégation, etc. Des valeurs importantes qui augmentent les probabilités d’en faire de bons citoyens. Un bénéfice qui ne se mesure pas, mais qui est très appréciable.

L’occasion de rappeler que l’important dans la vie, c’est ce qui compte. Et pas toujours ce qui se compte. L’essence même de cette introspection inévitable du milieu de notre existence, mieux connue sous l’expression « crise de la quarantaine ».

Bonne semaine à tous,
Stéphane